Depuis le 1er janvier 2012, les professionnels « gros producteurs » de biodéchets ont l’obligation de trier ces biodéchets et de les faire valoriser dans des filières adaptées, telles que le compostage ou la méthanisation. Depuis le 1er janvier 2016, ce sont les professionnels produisant plus de 10 tonnes par an de biodéchets qui sont concernés : la restauration commerciale, notamment les restaurants travaillant avec des produits frais (le « fait maison ») qui produisent plus de biodéchets, la restauration collective (cantines d’écoles, d’établissements d’enseignement supérieur, hôpitaux…), les petites surfaces de distribution alimentaire, et l’intégralité de la grande distribution ainsi que les industries agroalimentaires. Conformément à la loi Anti-Gaspillage et Économie Circulaire (loi « AGEC ») du 10 février 2020, cette obligation fait l’objet d’un renforcement progressif en vue de sa généralisation : depuis début 2023, elle s’applique désormais à tous les professionnels produisant plus de 5 tonnes par an de biodéchets, avant d’être étendue à l’ensemble des acteurs professionnels, sans seuil minimum, à partir du 1er janvier 2024.
Le 31 décembre 2023 constitue en effet la dernière étape de la généralisation du tri à la source des biodéchets qui devient obligatoire pour tous, professionnels comme particuliers, et concerne toutes les collectivités françaises qui gèrent la collecte des ordures ménagères de chaque commune en France.
L’importance du tri à la source
Le tri est le premier maillon du processus de valorisation des biodéchets en gaz vert : sa qualité est essentielle. Au Mesturet, tous les salariés participent au tri des déchets : les serveurs qui débarrassent les assiettes trient soigneusement les restes et ceux qui s’occupent du café ont une poubelle spéciale pour jeter le marc. Dans la cuisine, la récupération des biodéchets se fait dans des sacs en plastique transparents et recyclables qui permet de visualiser la quantité de déchets alimentaires à collecter et de corriger les erreurs de tri (2 %). Au sous-sol, un espace de tri a été spécialement aménagé par Alain Fontaine pour faciliter la collecte de ces restes de repas qui se fait via des bacs spécifiques.
Comment les restes de nourriture sont transformés en gaz vert ?
Les déchets alimentaires du restaurant parisien sont ensuite collectés par Moulinot Compost & Biogaz qui passe tous les jours ou tous les deux jours au restaurant. La quantité de déchets alimentaires ainsi récupérée est de l’ordre de 100 kg environ chaque semaine. Les déchets sont ensuite traités sur le site de Moulinot, à Stains, en Seine-Saint-Denis.
« La matière arrive dans des sacs. On va la passer dans une machine pour faire une soupe. On va la stocker pour ensuite la repasser dans un hygiéniseur », explique Stephan Martinez, président de Moulinot Compost & Biogaz. Cet ancien restaurateur est le pionnier de la valorisation des biodéchets de la restauration parisienne. Son créneau : la collecte et le prétraitement des biodéchets de la restauration commerciale et collective.

Cette soupe est à son tour transportée dans une unité de méthanisation située à proximité pour privilégier les circuits courts. Dans les cuves du méthaniseur, des bactéries dégradent la matière organique, sans oxygène (anaérobie) et en absence de lumière. C’est ce qui produit du biogaz. Après épuration, il atteint le même niveau de qualité que le gaz naturel et peut donc être injecté dans les réseaux de gaz. Ce gaz renouvelable est aussi appelé biométhane ou gaz vert. Les usages du gaz vert sont strictement identiques à ceux du gaz naturel : chauffage, cuisson, production d’eau chaude, et sert aussi à se déplacer grâce au BioGNV, un carburant issu de ce même gaz vert. Ainsi, les clients gaz consomment ce gaz vert pour leurs usages domestiques, Moulinot utilise du biogaz pour ses camions-bennes et les agriculteurs-méthaniseurs ainsi que les collectivités chauffent leurs bâtiments en partie avec le gaz vert produit.
Le résidu de la méthanisation (le digestat), quant à lui, est épandu dans les champs franciliens comme fertilisant, ce qui permet d’éviter le recours à des engrais chimiques. « Ce qui vient de la terre doit retourner à la terre », insiste Stephan Martinez.
En résumé, la boucle est bouclée !

Une dynamique francilienne en plein essor
En Île-de-France, la région la plus urbanisée et peuplée de France, le potentiel de valorisation des biodéchets est particulièrement important : chaque année, 790 000 tonnes de déchets alimentaires sont produites en Île-de-France. 65 000 tonnes de déchets alimentaires produites par les professionnels sont déjà collectées et envoyées essentiellement en méthanisation, selon les estimations de l’Observatoire régional des déchets en Île-de-France (ORDIF).
Avec le tri obligatoire pour tous à partir de 2024, la filière se prépare à passer à la vitesse supérieure pour optimiser l’exploitation de ces déchets.

Aujourd’hui, si les biodéchets partent encore majoritairement à l’incinération ou en décharge, demain, ils pourront être valorisés en énergie renouvelable et en fertilisant. De plus en plus d’acteurs publics et privés franciliens travaillent à la collecte et à la valorisation énergétique des déchets de restauration. Ainsi le projet Biométhanisation, conduit par le Syctom (l’agence métropolitaine des déchets ménagers) et le Sigeif (Syndicat intercommunal pour le gaz et l’électricité en Île-de-France), vise à créer dans le port de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) pour 2025 une unité de méthanisation qui traitera jusqu’à 50 000 tonnes de déchets alimentaires par an. La société Moulinot ouvre cette année un 2e site francilien de valorisation de déchets alimentaires à Réau, en Seine-et-Marne, à proximité d’un méthaniseur agricole et d’une station multi-énergies proposant du BioGNV. À Carrières-sous-Poissy (Yvelines), l’installation Modul’O Yvelines créée par Tryon Environnement valorise en gaz vert et en digestat plus de 4 000 tonnes de déchets alimentaires récupérés auprès d’acteurs locaux de la restauration collective et de la grande distribution. De leur côté, les collectivités franciliennes expérimentent ou étudient, avec l’appui du conseil régional, différentes modalités.
Et pour les nombreux restaurants franciliens indépendants, les grandes enseignes de la restauration scolaire et hospitalière et même… l’Élysée, l’aventure de valorisation des biodéchets continue !